March 1, 2012

"Les Races de Chiens" par Ad. Reul pg.247. pg.272 -


“Les Races De Chiens”
Origine -- Historique
par Ad. Reul
1891-1894



e) Les chiens de berger belges. (Voir fig. ci-jointes).

Après avoir jeté ce rapide coup d'oeil sur les chiens de berger de races étrangères à notre pays, voyons les nôtres. Cuique Suum.
Il fut un temps où la Belgique possédait, relativement à sa faible étendue territoriale (1), un nombre considérable de chiens affectés à la conduite et à la garde de troupeaux d'ovidés -- voire même de
troupeaux d'oies -- car elle élevait alors, exploitait pour leur lainage ou engraissait de nombreux moutons, particulièrement dans le Condroz, la Famenne, l'Entre -Sambre-et-Meuse, régions occupant avec le pays de Herve, la zone calcareuse de notre sol; dans la zone sablonneuse de la Campine et des Flandres, comme aussi dans la zone schisteuse et pauvre de l'Ardenne. Dans cette dernière, on produisait ces gigots ardennais qui ont fait l'objet d'un grand commerce largement rémunérateur et qui jouissent encore d'une réputation si hautement justifiée.
Aujourd'hui, il n'en est plus tout à fait ainsi : par suite des bas prix auxquels sont tombées les laines indigènes et même les viandes de mouton, conséquence inéluctable de l'écrasante et ruineuse concurrence que la République Argentine et l'Australie surtout font à nos producteurs aborigènes; par suite aussi de l'extension inouïe donnée à la production et à l'usage du coton; par suite encore des progrès réalisés par la science dans le domaine agricole, qui ont amené la suppression pres -

 (1) Sur une surface territoriale de 2,945,516 hectares, l'étendue du domaine agricole belge comporte 2,215,533 hectares subdivisés comme suit: 935,543 hectares de céréales et farinenx; 33,093 hec tares de légumineuses; 96,774 hectares de plantes industrielles: chanvre, lin, etc., y compris la betterave à sucre; 199,357 hectare de pommes de terre; 736,212 hectares de prairies et fourrages et 378,457 hectares de pépinières, vergers, jachères, bruyères, etc.
Il y a en outre 489,423 hectares de bois et forêts. (D'après Un document officiel, 1890).

que partout constante du système suranné de la jachère, la dépécoration - c'est ainsi qu'on désigne la diminution du nombre et de l'importance des troupeaux - va s'accentuant. A preuve: lors du premier recensement général de 1836, on a trouvé sur le territoire belge 969,630 moutons; en 1856, on n'en compte plus que 583,485 et 586,097 en1866. Enfin, le dernier dénombrement officiel, celui de 1880, accuse la présence de 365,400 moutons seulement, et nous avons l'intime conviction qu'une opération de ce genre pratiquée actuellement ne permettrait plus de découvrir 250,OOO têtes de bêtes à laine, vivant sur le territoire de la Belgique.
En 1880, l'importance numérique des troupeaux se répartissait comme suit, par province :
Luxembourg : 74,730 moutons.
Hainaut . : 63,201 "
Namur . : 48,264 "
Fl. orient. : 37,452 "
Liége . . : 34,250 "
Limbourg . : 33,851 "
Anvers . : 26,269 "
Brabant . : 24,439 "
Ft. oecid. . : 22,944 "
Il semblerait que si la population ovine du pays a perdu en 1880 les 2/3 de ce qu'elle était en 1836, les chiens de berger employés à la garde de ces troupeaux auraient dû être frappés dans la même proportion. Nous établirons tantôt combien sont chimériques les craintes à cet égard.
Voyons d'abord quel est le nombre de chiens de berger en activité de service que possède la Belgique, Nous pouvons le déterminer approximativement en procédant par induction. Ne peuton pas raisonnablement admettre, en effet, que dans un pays de terres morcelées


(1) comme le nôtre, et où les brebis paissent fréquemment sur les
lisières même des cultures, la surveillance des troupeaux ne peut
être efficace qu'à raison de
(1) Pour 6,472,815 de parcelles cadastrales, le nombre des exploitations agricoles était, en l890,
de 910,396. Parmi ces exploitations,



un chien par cinquante moutons? Cette base étant adoptée, il aurait donc fallu 19,393 chiens de berger pour garder les 969,630 moutons que possédait la Belgique en 1836. Et, par suite de la dépécoration constatée officiellement en 1880, ce nombre se réduirait à 7,308, en diminution de 12,085 sujets.
Les 7,308 chiens nécessaires à la garde des troupeaux belges en 1880 doivent se répartir comme suit, par province, eu égard à l'importance numérique pré-signalée du lot de moutons attribué à chacune d'elles :

Luxembourg : 1495 chiens de berger.
Hainaut. : 1264 "
Namur : 965 "
FI. orient. : 749 "
Liége : 685 "
Limbourg. : 677 "
Anvers : 525 "
Brabant : 489 "
FI. occid. : 459 "
Total 7.308

Il ne s'agit, bien entendu, dans cette statistique, que des chiens de bergers réellement employés à la garde des troupeaux, en d'autres termes, des véritables auxiliaires du berger.
Par suite de la nouvelle situation économique qui a peu à peu succédé à celle de 1836, 12.085 bergers à quatre pattes, très aptes et fort intelligents sans doute comme tous leurs pa -
472,471 sont d'une étendue d'un demi-hectare et même moins
121,905 ont de 1/2 à 1 hectare
110,187 " l à 2 hectares
56,140 " 2 à 3 "
32,323 " 3 à 4 "
21,408 " 4 à 5 "
8,390 " 5 à 10 "
5,983 " 10 à 20 "
7,749 " 20 à 30 "
5,023 " 30 à 40 "
1,414 " 40 à 50 "
3,103 " 50 hectares et au-dessus.

reils, se sont trouvés sans travail par cause de suppression d'emploi. C'est bien ainsi.
Que sont devenus ces milliers de "sans travail" ; ont-ils succombé à la faim et à la misère? A-t-on vu se produire des hécatombes successives de chiens de berger? Nullement. Au contraire, les naissances ont comblé bien au delà les vides laissés dans les rangs par la mort, et l'on peut dire que malgré les progrès incessants de la dépécoration, les chiens de berger se rencontrent maintenant plus nombreux qu'ils ne l'ont jamais été en Belgique. C'est que, grâce aux qualités qu'il possède, l'antique gardien de nos troupeaux a vite trouvé à se caser ailleurs; ici, il s'est employé comme chien de garde ou « chien de cour » ; là, il est devenu le «chien de vache », le bouvier ; d'autres ont revêtu le harnais et ont su descendre au rÔle de chiens de trait; d'autres enfin, plus heureux, ont rapidement gravi plusieurs degrés de l'échelle sociale. De rustiques campagnards qu'ils étaient de père en fils et de temps immémorial, les voilà devenus citadins.
Dans les villes, comme au château, il ne leur a pas fallu un temps bien long pour gagner toutes les sympathies de leurs nouveaux seigneurs et maîtres, à telle enseigne que vers la fin de 1894, un grand nombre d'amateurs, leurs admirateurs passionnés, se sont réunis à Bruxelles en vue de rechercher les moyens de faire mieux connaître et mieux apprécier les brillantes qualités physiques et morales de notre chien de berger aborigène. C'est à cette occasion qu'est né le Club du chien de berger belge qui s'est imposé la tâche d'étudier à fond la race, de la régénérer en cas de besoin et de veiller à tout ce qui a trait à son amélioration par la méthode du Breeding in and in, c'est-à-dire par une sélection attentive et soutenue.
Telle est l'origine, tel est le but du Club du chien de berger belge qui fut reconnu, encouragé et patronné dès ses premiers pas par la Société Royale Saint- Hubert.
La nouvelle société ne perdit pas son temps. Elle comprit que le premier de ses devoirs, c'était de se livrer à une enquête minutieuse sur l'état de pureté des races de chiens de berger dans les neuf provinces. A cet effet, des chiens de l'agglomération bruxelloise furent réunis à l'Ecole vétérinaire de Cureghem, dans la grande salle de clinique gracieusement mise à notre disposition par le directeur, M. le professeur Degive, avec l'autorisation de M. le Ministre de l'Agriculture, le 15 novembre 1891. Il en vint 117. D'autre part, un grand nombre de chiens de province furent examinés à domicile par des délégués du Club. La plupart de ces beaux chiens de vieille souche belge avaient été renseignés par les médecins vétérinaires établis dans les campagnes, auxquels je m'étais autorisé à envoyer une circulaire dans laquelle je faisais appel à leurs connaissances, à leur patriotisme et à leur dévouement aux intérêts publics. Je constate ici, à l'honneur de la profession, que ces aimables confrères ont su se rendre utiles au nouveau Club en me fournissant de la façon la plus charmante et la plus désintéressée tous les renseignements que je leur demandais. Dès la réception de
ces documents, je me suis fait un devoir de témoigner personnellement à chacun ma reconnaissance par quelques mots de remercîments, mais cela ne suffit pas et je saisis avec bonheur l'occasion qui s'offre aujourd'hui à ma bonne volonté pour les remercier publiquement tous. Leur conduite est digne des plus grands éloges et de tels procédés sont tout à l'honneur de la profession vétérinaire qu'ils relèvent et grandissent aux yeux du public. Ils out été hautement appréciés au sein du Club du chien de berger belge, croyez-le bien, chers confrères. Encore une fois, merci de tout coeur. Je tiens à ce qu'il reste bien établi que lors- qu'on fait appel aux vétérinaires belges à propos d'une question d'intérêt général, on peut toujours compter sur leur abnégation et leur dévouement.
Ce n'est donc qu'après avoir vu, attentivement étudié et comparé des centaines de chiens, qu'après avoir, su reconnaitre et élaguer tous les sujets d'une pureté douteuse ou de provenance manifestement étrangère 
(1) que le Club du chien de

(1) Il existe en beaucoup d'endroits et particulièrement en Ardienne et en Campine des chiens gris
ardoisé ou fauves, aux longs poils agglutinés en mêches crottées par la boue, à queue habituelle-



berger belge a adopté les points suivants comme étant propres à la race de notre pays; ainsi qu'aux trois variétés qu'elle comprend; variétés dont le caractère différentiel le plus saillant réside dans la texture; la longueur et partant l'aspect du poil.


LES POlNTS DU CHIEN DE BERGER BELGE.


Caractères généraux de la race. L'aspect général dénote l'animal intelligent, rustique, habitué à la vie en plein air, bâti pour résister aux intempéries des saisons et aux vicissitudes atmosphériques si sensibles du climat belge.
A ses aptitudes innées de gardien des troupeaux, il joint les précieuses qualités du meilleur chien de garde pour les propriétés; au besoin, il est, sans nulle hésitation, l'opiniâtre et ardent défenseur de son maître.
Le chien de berger belge est vigilant et attentif; sans cesse en mouvement, il semble infatigable. Il présente une tendance marquée à se mouvoir en cercles plutôt qu'en ligne droite.
Crâne large, à front plutôt aplati qu'arrondi. Cassure du nez (dépression transversale existant à la limite du
cràne et de la face) modérée.
Tête longue et museau pointu.
Truffe (bout du nez) noire.
OEil brunâtre ou jaunâtre; le regard interrogateur et dénotant l'intelligence.
Oreilles de forme triangulaire, raides et droites, bien plantées, demi-longues.
ment courte ou amputée qui sont d'origine briarde. Ils sont excellents et beaux. Leur séjour dans nos contrées remonte à une époque si éloignée que leurs propriétaires actuels qui ont connu les parents, les grands parents, etc, de ces chiens, jurent leurs grands dieux que ces animaux sont de pure race belge. Qu'ils soient naturalisés en Belgique, nous ne le contestons pas, mais ils possèdent tous les caractères ethnographiques du chien de Brie, et ce sont bien des Briards. En Ardenne, ces chiens sont connus sous le nom de « berjeots ou de vieux berjeots, » nous écrit notre estimable confrère Polet, de Beauraing. Il nous souvient en effet avoir entendu employer ce nom pour les qualifier et les distinguer spécialement des autres chiens de berger connus en Belgique.


Cou cylindrique, peu allongé.
Ligne du dessus (dos, rein, croupe) horizontale, large et puissante, de longueur moyenne.
Queue forte à sa base, de longueur moyenne, présentant des particularités différentes selon les variétés. Au repos, le chien la tient basse, la pointe recourbée en arrière au niveau du jarret. En action, il la relève en lui imprimant une courbe plus accentuée vers la pointe. Il ne la porte pas en trompette. - A noter cependant que
certains chiens naissent sans queue ou avec un simple moignon.
Poitrail plutôt étroit que large.
Poitrine peu large, mais en revanche profonde et descendue comme chez tous les animaux aux rapides allures.
Ventre d'un développement modéré ( ni avalé, ni levretté ).
Epaule longue et oblique, formant un angle très aigu avec le bras.
Coude exactement dirigé dans le sens de la longueur du corps.
Avant-bras long.
Fesse et cuisse bien musclées.
Jambe longue.
Pied rond, en patte de chat.
Aplombs réguliers.
Taille: en moyenne 55 centimètres.
Robe très variée: noir, noir mal teint, brun, brun bringé, gris sale, d'aspect terreux, etc.
Poil toujours abondant, serré, formant une excellente enveloppe protectrice.
Le poil étant de longueur, d'aspect et de direction fort variés chez les chiens de berger du type belge, il y a lieu d'adopter ce point comme criterium, pour distinguer trois variétés de la race et il convient de reconnaître les chiens:
A. -- A poil long.
Caractères distinctifs : poil lisse, assez long sur la totalité de la surface du corps, excepté sur la tête, la face externe de l'oreille et le bas de membres. L'ouverture du cornet auditif est protégée par des poils touffus.
Le cou est garni de poils longs et abondants disposés en collerette.
La queue forme panache.
L'avant-bras est garni à son bord postérieur, du coude au niveau du poignet, d'une frange de longs poils.
Les fesses sont ornées d'un poil long et abondant.
B. -- A poil dur.
Différant des précédents par le poil qui n'est pas lisse, mais ébouriffé, demi-long et plus uniformément réparti, présentant en outre, au museau, des poils formant barbiche.
Le crâne est plus étroit.
La cassure du nez moins prononcée.
Les oreilles plus longues, portées plus en avant, moins larges à leur base.
La queue ne forme pas panache.
C. -- A poil ras
Outre les caractères généraux de la race, cette variété est reconnaissable au poil qui se montre demi-court sur toute la surface du corps, court sur la tête, plus long au contraire autour du cou et de la queue. En outre, le bord postérieur de la fesse est garni de poils plus longs, distribués en ligne et inclinés vers la face interne du membre.
La queue est épiée.
Echelle des points.
1. Aspect général ou conformation d'ensemble (allure, proportions, etc.) 10 points
2. Tête (crâne, face ou museau, cassure du nez, oeil, oreilles) et cou. 9 "
3. Ligne du dessus et queue. 9 "
4. Poitrail, poitrine et ventre. 5 "
5. Membres (épaules, coude, avant-bras, fesse,
cuisse, jambe, pieds) et aplombs. 8 "
6. Poil. 9 "
———————
Total 50 points

Nous donnons ici les portraits de trois chiens représentant chacun une des variétés du type belge.
Nous devons le tableau qui représente cet intéressant trio ad naturam à la grande obligeance de l'un de nos animaliers des meilleurs et des pIus connus, M. A. Clarys, don l'éloge n'est plus à faire.
M. Clarys a consenti bien volontiers à mettre son habile crayon à notre service, el il a reproduit pour notre travail avec un rare bonheur les traits des trois sujets que nous lui avons soumis à cette intention, savoir :
Duc, berger belge à poil long, gris foncé bringé, 2 1/2 ans, 1er prix à Cureghem, id. à Bruxelles, id. à Anvers et prix d'honneur à Bruxelles et à Anvers en 1892. Propriétaire: M. Arthur Meul, de Saint- Gilles-Bruxelles.
Charlot, berger belge à poil ras, couleur fauve, charbonné sur le dos et la tête, poitrail blanc, 2 ans, 1er prix Anvers, 2me prix Cureghem, 2me prix Bruxelles 1892. Propriétaire: M. Jean Verbruggen, de Cureghem.
Dick, berger belge à poil dur gris. Propriétaire M. Aug. Dagnelie, de Bruxelles.
L'on nous a signalé comme ayant existé dans tel ou tel village ou y existant encore une « race » ou une « sorte » de chiens (les mots famille ou variété seraient plus corrects) ayant la plus grande ressemblance avec le loup, une autre rappelant à s'y méprendre compère renard. Ce ne sont là que des particularités exceptionnelles; il s'en rencontre dans toutes les races de chaque espèce; elles peuvent même se fixer en vertu de la coenoménèse.
Ajoutons encore qu'il se trouve aux environs de Bauffe (Hainaut) une variété de bergers nains, ne pesant guère que 7 kilogrammes, sous poil noir, ressemblant à de grands Schipperkes, fort intelligents el
gardiens remarquables.
En Ardenne, cerlains « chiens de vaches » ou bergers sont de précieux auxiliaires pour la chasse du gros gibier, surtout pour celle du sanglier.
Les caractères si tranchés qui devraient exister d'après les points, entre les trois variétés sous le rapport du poil sont loin d'être nettement définis chez tous les individus. Nous pouvons nous attendre à trouver pendant un certain temps encore ce que Dalziel a remarqué autrefois dans les Collies, c'est-à-dire à voir des sujets à
poil long, d'autres à poil court, d'autres encore à poil dur, issus des mêmes parents et composant une seule et même nichée. Cela se comprend sans peine pour qui sait le peu de soins que les bergers apportent souvent à faire féconder une chienne à poils longs par un chien du même type, etc. Une sélection et une épuration intelligemment pratiquée mettront vite bon ordre à un tel état de choses.
Là où le type au poil ras a bien conservé toute son uniformité, c'est dans la Campine anversoise, vers la frontière hollandaise et au delà, dans le Noord-Brabant (Hollande). Grand fut notre étonnement de rencontrer l'an dernier (7 septembre 1892) en visitant une exposition agricole organisée par la Noord-Brabantsche Maatschhappij van Landbouw, à Oosterhout, à quelques lieues de la frontière anversoise, une douzaine de chiens de berger du type belge à poil ras le mieux accusé, appartenant à des paysans des environs. Nous possédons une mauvaise photographie de ce groupe de sujets uniformes.
Ces chiens ont la taille du renard ou celle du loup, ils ont le poil ras, la robe fauve bringé; leurs oreilles sont remarquablement droites, fines et pointues, ouvertes en avant. Autres caractères :
museau triangulaire et effilé, truffe noir jais; queue épiée, bien portée presque horizontalement quoique légèrement relevée vers la pointe. Le premier prix fut décerné à un chien d'une intelligence rare ayant assez de nez pour aller découvrir sous un panier le mouchoir de poche que son maître lui avait donné à flairer et qu'il n'y avait cependant pas vu cacher.
Il existerait aux Indes néerlandaises - d'après des renseignements que je dois à un homme digne de foi, M. Van H., chimiste attaché à une fabrique de sucre de canne, dans ce pays d'outre-mer - il existerait là une race importée absolument identique comme forme, taille, allure, etc., à celle que nous examinions de compagnie à Oosterhout, avec cette différence que l'uniformité dans la robe aurait disparu, (Ces chiens, au lien d'être fauves, seraient de toutes nuances). Ils sont employés par bandes à l'attaque et à la destruction des sangliers qui pullulent dans les plantations de cannes à sucre et y occasionnent les plus grands ravages, non pas tant en consommant cette plante industrielle, mais bien en établissant leurs repaires dans les plantations de cannes qu'ils traversent en véritables ouragans, brisant ou froissant toutes les tiges sur leur passage, annulant presque la récolte.
En pareille occurrence, des spécialistes sont requis par les fabricants de sucre; ils arrivent accompagnés d'une trentaine de chiens de berger du type belge (et du type d'Oosterhout) à poil court, dressés à l'attaque. Ces chiens s'élancent sur le sanglier découvert, l'entourent, le harcèlent, le déchirent et finissent toujours, vu leur nombre, par le mettre à mort, non sans avoir perdu un ou plusieurs des leurs. Le cadavre du sanglier est aussitôt vidé, découpé en quatre et légèrement soumis à l'action d'un feu de branchages improvisé, puis il est distribué en curée aux chiens qui ne sont nullement tentés, paraît-il, de manger crue cette viande.
Chose remarquable, les chiens de berger, chasseurs de sangliers, opérant à Java, se montrent presque tous féroces vis-à-vis des noirs Javanais; ils craignent au contraire les blancs, et leurs métis et ne les attaqunent jamais. C'est ainsi qu'en 1890, un ouvrier, métis hollando-javanais ayant été mordu sans raison aucune par un de ces chiens, le médecin de l'endroit trouva le fait si anormal et si extraordinaire que le chien fut considéré comme enragé et aussitôt abattu et enfoui sans autre forme de procès. On n'avait jamais vu un chien de ce type assaillir un blanc ni un métis. Son inexpilicable audace coûta la vie à celui dont il s'agit. Quant au métis blessé, il fut envoyé à Paris, au laboratoire de Pasteur, aux frais de la Société sucrière qui employait cet ouvrier et dont M. Van H., à qui nous devons ces renseignements, est le chimiste. Il en revint en bonne santé, me dit-on. On nous pardonnera cette digression un peu longue sans doute, mais elle se rattache trop directement à l'histoire des chiens de berger du type belge pour que nous puissions résister au désir de reproduire fidèlement ce qui nous a été affirmé dans les circonstances prérappelées.
Quelle importance faut-il attacher à la présence ou à l'absence de queue chez le chien de berger belge?
Nous avons indiqué plus haut les raisons qui ont déterminé les pasteurs primitifs à pratiquer l'amputation de la queue et parfois celle des oreilles de leurs chiens. Nous avons dit que c'était surtout en vue de donner moins de prise à la dent si redoutable de leurs adversaires les plus féroces, les loups, qui pullulaient autrefois et contre lesquels les chiens de berger avaient fréquemment à livrer bataille pour la défense de la vie des brebis confiées à leur vigilance.
On sait qu'un chien vigoureusement saisi et maintenu par l'oreille ou par la queue est un animal à moitié vaincu, c'est un lutteur sans défense, qui pousse des cris lamentables et ne songe qu'à demander grâce. Retrancher des organes si proéminents et par conséquent si faciles à saisir, c'était renforcer les moyens de
défense du gardien des troupeaux.
Et, après longues années - sans que cela devint la règle - on a pu rencontrer de temps à autre dans une portée, un ou plusieurs chiots dont le nombre de vertèbres coceygiennes était resté en dessous de la normale. Ce sont les chiens à courte queue; ils constituent l'exception, car la règle a bien plus souvent maintenu le type naturel, à queue longue.
Cependant, quelques-uns de ces animaux à queue avortée ont une tendance à reproduire des sujets à queue plus ou moins courte et, peut-ètre par une sélection attentive, la consanguinité aidant, parviendrait-on à fixer plus ou moins l'anomalie. Ainsi, nous avons vu, le 29 janvier 1893, chez M. l'avocat A. Wendelen, à Bruxelles, une portée de huit puppies chiens-bergers issus de père et mère à courte queue (anomalie congéniale chez les parents), La grand' mère elle-même qui nous a été montrée se trouve dans les mêmes
conditions physiques natives; le grand père est inconnu. Eh bien, parmi ces huit chiots, nous en avons compté trois à appendice caudal complet et un à queue mi-longue; un quatrième ne possède q-u'un tiers environ de queue et les trois derniers ont le coccyx très court (une ou deux vertèbres au pIus). Ajoutons que tous les jeunes de cette portée sont de la même nuance brun tisonné qui est celle des parents. Un seul, plus foncé en couleur, offre du blanc au poitrail.
On le voit donc par ce qui vient d'être rapporté, il peut exceptionnellement naître des chiens de berger à courte queue, c'està-dire ne possédant pas les 18 à 22 vertèbres caudales ou postsacrées réglementaires. Les sujets ainsi modifiés ont-ils une valeur plus grande que ceux du type normal? Telle est la question qui surgit; elle intéresse vivement les amateurs. Eh bien, nous cherchons vainement à nous expliquer pourquoi ces anomaux seraient, comme leurs admirateurs l'affirment bénévolement, les purs d'entre les purs dans la race, pourquoi l'absence de queue serait le criterium de l'ancienneté d'origine.
Nous avons vu dernièrement en compagnie de deux de nos élèves un vulgaire roquet, un vilain chien des rues, né sans le moindre principe de queue. De l'existence de cette anomalie, faudrait-il donc conclure que ce chien est de race pure! Ce serait peu sensé, il faut bien l'avouer.
Nous accepterons cette opinion quand on sera parvenu à nous faire comprendre que les trois chiots à langue quelle de la portée de bergerots dont il vient d'être question sont d'origine moins ancienne que leurs frères jumeaux à courte queue couchés à côté d'eux dans le même berceau et avec lesquels ils partagent en ce moment le lait maternel!
Et voilà sur quoi reposent certaines affirmations acceptées d'emblée et sans réflexion par le commun des amateurs! Non, le chien de berger né la quelle incomplètement développée n'est pas d'origine plus patriarcale que son frère agitant gaîment un sémaphore dont le squelette est composé de 18 à 22 petits os.
Voici maintenant notre sentiment sur la signification et la valeur à attribuer à l'absence ou à la présence de l'organe caudal chez le chien de berger : nous comprenons qu'autrefois, on se soit vu dans la nécessité d'écourter le gardien des troupeaux qui en était aussi le défenseur attitré; mais, aujourd'hui, les conditions ont changé, les loups ont disparu et le chien n'a donc plus à repousser leurs attaques; de plus le chien de berger devient de plus en plus citadin ou plutôt chien de luxe et nous estimons qu'une belle queue bien portée doit être considérée comme un splendide ornement de nature à embellir l'animal.
D'autre part, tout chien sans queue a les mouvements moins gracieux; dépourvu de gouvernail, il tourne sur place avec plus de difficulté sinon avec plus de fatigue. Voilà pourquoi nous estimons qu'amputer la queue des chiens de berger, c'est commettre un acte barbare, inhumain, incompréhensible, et qui ne se justifie que dans une seule et unique circonstance : c'est lorsque la queue est mal portée et qu'on a intérêt à effacer un aussi mauvais point.
Nous nous méfions donc de tout chien exposé, fût-il le plus beau du lot, auquel on a amputé la queue, car nous nous disons que ce n'est pas sans raison qu'on a retranché l'un des organes les plus démonstratifs dont ce brave animal puisse se servir pour nous exprimer par sa mimique, ses sentiments. Pour nous, un chien berger à queue coupée ne mérite pas de prix.
Quant à ceux qui naissent anoures, nous ne pouvons pas leur en faire un grief, puisque la nature les a créés ainsi et, tout en regrettant l'imperfection qui les caractérise, nous ne pouvons pas les éloigner du palmarès lorsqu'ils réunissent de sérieuses qualités de conformation dans toutes leurs autres régions.
Tel est notre avis personnel sur la question qui vient d'ètre posée. Nous disons personnel, car nous ne voulons pas qu'il engage le moins du monde nos estimables collègues du comité du Club du chien de berger belge. Nous croyons cependant pourvoir affirmer ici que l'opinion qui vient d'être émise est admise par la très grande majorité des membres dudit comité et nous espérons bien qu'après avoir lu ce qui précède, tous s'y rallieront.
Les chiens de berger continentaux.
Dans la plupart des programmes d'expositions, se trouve encore inscrite celle rubrique qui n'a plus sa raison d'être; elle est surannée et comme telle, elle doit fatalement tomber sous les coups qui lui sont portés grâce aux progrès réalisés dans l'étude des races de bergers, étude dont la première conséquence a été la détermination des points caractérisants les mieux connues d'entre elles.
Nous comprenons parfaitement l'embarras des organisateurs des premières expositions, se trouvant devant l'impossibilité de classer une série de variétés formant le grand groupe des chiensbergers dont les caractères ethniques n'avaient point été établis jusque-là. Celui qui, à cette époque, a trouvé comme joint l'expression: bergers continentaux a sauvé momentanément la situation; mais, depuis lors, des groupes d'amateurs sont venus rendre cette situation plus claire et plus nette en apportant à la Société Saint-Hubert, les points sérieusement et longuement étudiés caractérisant telle ou telle race.
Il ne reste plus, dès lors, au comité qu'à déchirer le voile continental qui abritait jadis l'inconnu et à donner place au soleil aux races de chiens-bergers dont la physionomie est suffisamment déterminée? Nous désirons donc vivement que dorénavant, les programmes d'exposition portent sous la rubrique chiens de berger les sous-divisions suivantes:
1. Chiens de berger belges (les trois variétés).
2. Chiens de berger de la Grande-Bretagne: Collie, Bobtail.
3. Chiens de berger français: de Brie, de Beauce.
4. Chiens de berger allemands (les trois variétés).
5. Chiens de berger russes.
Avec le temps, on pourra ajouter à cette liste, le nom des races qui seront ultérieurement étudiées, car il nous semble qu'il reste encore beaucoup à faire dans cette voie et qu'un grand nombre de races peu connues attendent encore le jour de leur description, j'allais dire de leur délivrance. Elles trouveront place à la suite de celles qui viennent d'être énumérées.
Le lecteur partagera notre avis quand il saura que la population ovine du monde entier, confiée à la garde des précieux serviteurs auxquels nous consacrons ce travail, comporte environ 500 millions
de moutons ainsi répartis: République-Argentine : 75.000.000 de bêtes à laine, - Austr'alie : 62.200.000, - Russie d'Europe 42.000.000, - Etats-Unis: 33.935.000, - Grande-Bretagne : 32.220.000, - Allemagne: 24.935.000, - France: 24.589.000, - Russie d'Asie : 23.000.000, - Espagne: 22.054.000, - Autriche-Hongrie : 20.103.000, - Uruguay : 16.000.000, - Cap de Bonne-Espérance, id. - Turquie d'Europe :15.000,000, - Turquie d'Asie : 15.000.000, - Algérie :10.000.000, - Maroc : 10.000.000, - Perse :10.000.000, - Italie: 7.000,000, - Roumanie: 5.000.OOO, - Egypte et Barbarie: 5.000.000, - Canada: 3.300.000, - Suède et Norwège : 3.252.000, - Portugal: 2.700.000, - Grêce : 2.700.000, - Danemarck : 1.719.000, - Hollande: 936.000, - Belgique: 365400 moutons (en 1880).
Des millions de chiens de berger sont nécessaires à la garde de ces cinq cents millions de moutons. Or, les troupeaux se trouvant disséminés sons tontes les latitudes et dans les conditions telluriques et atmosphériques les plus variées par conséquent, il est évident que les chiens préposés à leur surveillance présentent entre eux de nombreuses variantes selon les contrées qu'ils habitent.
Beaucoup de races de chiens de berger nous sont forcément inconnues.
Dressage du chien de Berger.
De même que « bon chien chasse de race », bon chien de berger garde instinctivement le troupeau de moutons qui lui est confié. Mais, il se peut qu'il y mette trop d'ardeur, qu'il inflige des châtiments peu en rapport avec la faute commise ou n'obéisse pas ou pas assez promptement soit à la voix soit au geste de son
maître. Sans dressage, il contracte parfois aussi des habitudes mauvaises, telles que celle, d'aboyer à tout propos et hors de tout propos, de lacérer les oreilles des brebis, de les mordre profondément aux épaules, au nez, etc. Telles sont les raisons pour lesquelles il convient que tout chien de berger aille à l'école pour y
faire son éducation on y compléter son instruction. Le meilleur maître d'école est, cela va sans dire, un chien de berger ayant fail ses preuves. « On ne saurait donner trop de soins, écrit Magne, à dresser les chiens de berger, il les accoutumer à faire la sentinelle, à tenir le troupeau convenablement massé et surtout à ne pas effrayer les moutons et à ne pas les mordre.
« Pour les dresser, il faut les prendre jeunes et employer beaucoup de persévérance, des caresses, des friandises et au besoin des châtiments. Il faut surtout leur donner l'exemple d'un chien bien dressé.
« Les premières fois qu'on les commet contre un mouton, il faut être à côté d'eux et les surveiller attentivement; s'ils ont l'air de vouloir mordre, on les saisit et on les corrige; on doit laisser pendre une ficelle à leur cou afin de pouvoir les arrêter plus promptement.
« Au moyen de cette corde, on peut même les corriger, leur faire sentir qu'ils ont mal fait.
« Si l'on a des chiens précieux à cause de leur activité et de leur intelligence, mais qui ont malheureusement le défaut d'être un peu méchants et de mordre les bêles à laine, il faut les museler ou mieux leur briser les dents canines et même au besoin les incisives. »
Les Américains ont une manière spéciale de dresser leurs chiens-bergers. Le célèbre Charles Darwin qui, à peine âgé de 25 ans, faisait partie d'une expédition scientifique de circumnavigation autour du globe, à bord du navire le Beagle, va nous exposer en quoi elle consiste: « Pendant mon séjour dans une estancia (c'est ainsi qu'on nomme une ferme, en Amérique), à Montévidéo, dit le grand observateur, j'éprouvai une agréable surprise en entendant raconter et en suivant de près le mode d'éducation adopté pour les chiens de
berger du pays. Il est fort ordinaire de rencontrer là-bas d'immenses troupeaux de moutons, qui, éloignés de dix kilomètres des habitations, ne sont pas même accompagnés d'un berger-homme, et dont la garde est confiée à un ou deux chiens. Je m'étonnai souvent de l'attachement mutuel des chiens et des moutons; mais on peut dire littéralement que cet attachement prend naissance à la mamelle.
« Le système d'éducation consiste à séparer de bonne heure le jeune chien de sa mère, et à l'habituer au troupeau dont il aura la garde future. Trois ou quatre fois par jour, on fait téter le jeune animal à une brebis, puis on le dépose sur une couchette de laine. Jamais on ne lui permet de communiquer avec un chien étranger ou avec les autres membres de sa famille. On lui fait enoutre subir la castration, de sorte que, arrivé à l'âge adulte, il a à peine le sentiment de l'existence de son espèce. Il résulte de cette éducation que l'animal ne témoigne pas le moindre désir d'abandonner le troupeau, et, de même qu'un chien défend son maître, il prend la défense des moutons menacés. Lorsqu'on s'approche d'un troupeau, le chien s'avance en aboyant, et, à ce signalement tous les moutons se réunissent et s'abritent derrière lui.
Ces chiens savent aussi fort bien ramener le soir, à une certaine heure, le troupeau à la bergerie.
« Leur plus grand défaut, tant qu'ils sont jeunes, est de vouloir jouer avec les montons, et de ne laisser aucun repos à celui de leurs pauvres subordonnés qui devient l'objet de leur passe-temps.
« Chaque jour, le chien de berger, se rend à l'habitation de son maître afin d'y prendre sa ration de viande, et aussitôt qu'on la lui a donnée, il s'échappe, la queue entre les jambes, comme s'il venait de commettre une action honteuse. Les autres chiens de la maison se conduisent à l'égard de l'étranger qui vient prendre sa part du gâteau de la façon la plus tyrannique; le moindre roquet le poursuit et cherche à le mordre.
« Mais, du moment où il a rejoint son troupeau, il s'arrête, fait volteface, se met à aboyer, et ses poursuivants décampent aussitôt. Les chiens sauvages se hasardent rarement, et seulement quand ils sont exaspérés par la faim, à attaquer les moutons gardés par des bergers aussi fidèles. »
Un bon chien bien dressé, comme il s'en trouve beaucoup dans les pays de grands troupeaux est plus utile, dit Magne, qu'un aide humain: « il va, vient, fait le tour du troupeau, dont il accélère ou ralentit la marche au moindre signe, à un son de voix, à un mouvement de la main; il préserve les récoltes, fait avancer les bêtes retardataires, tient le troupeau réuni, empêche les animaux de sortir des chemins et des pâturages, va chercher les moutons fuyards, ramène les vagabonds, etc.
« Les chiens mal dressés sont toujours nuisibles; ils mordent les animaux, les pressent et occasionnent ainsi des accidents et des avortements. Un mauvais chien nuit directement en pressant, en mordant les animaux, et indirectement, en effrayant les bêtes, en allant et venant brusquement et sans motif à travers le troupeau. »
D'après la manière dont ils accomplissent leur tâche; dit FélixVilleroy (1), on distingue les chiens de berger en coureurs et en pointurs.
« Le Coureur est un chien ardent qui, allant et revenant sur ses pas, court continuellement sur le côté du troupeau. Si le troupeau pâture sur un champ vide, près d'un autre champ qui lui est interdit, le coureur ne cesse de parcourir la ligne que les bêtes ne peuvent pas franchir. Et cependant il inspire peu de crainte aux bêtes, qui souvent, immédiatement après qu'il est passé, vont brouter le fruit défendu. Ces coureurs s'imposent une fatigue extraordinaire à laquelle ils ne résistent pas longtemps, et ils ne comptent pars parmi
les bons chiens de berger.
« Le pointeur, au contraire, est couché aux pieds du berger ou dans la raie de champ que les bêtes ne peuvent pas dépasser. Les yeux à demi fermés, il a l'air de sommeiller. Mais, que le berger prononce son nom et lui fasse un signe, ou qu'il voie une bête dépasser la limite du champ abandonné au pâturage, alors il s'élance comme une flèche et les délinquants sont promptement remis à l'ordre. Ces chiens se font respecte sans tourmenter inutilement les bêtes; ils se fatiguent beaucoup moins, ils durent plus longtemps et ils sont certainement les meilleurs. Leur intelligence est vraiment admirable, et souvent je m'étonne en voyant comme ils comprennent un mot, un signe de la main, ou seulement de la tête, ou un coup de
sifflet du berger.
« Quand on voit le berger, calme et immobile, appuyé sur sa houlette, ajoute Villeroy, et près de lui son chien la tête haute,

(1) Manuel de l’éleveur de bêtes à laine.

l'oeil animé, l'oreille tendue, attendant un signe ou un mot prêt à s'élancer pour obéir à l'ordre de son maître; alors on admire cet empire de l'homme, qui a commencé par faire son esclave de l'animal le plus intelligent, pour arriver par son aide à soumettre ou à dompter les autres animaux. »
Dans les pays de culture avancée, là où les loups ont cessé de vivre, la garde des troupeaux est utilement confiée à des chiens de petite taille, à queue et oreilles longues, vifs et ardents au travail; ce sont les meilleurs; ils servent uniquement à aider le berger dans la conduite et la surveillance du troupeau. Mais là où les loups abondent encore, - en Russie par exemple - des chiens de plus grande taille, forts et courageux, à oreilles et queue amputées afin de donner moins de prise à l'ennemi, sont indispensables. Ces chiens sont souvent croisés avec le mâtin ou avec le chien des montagnes. Il en a déjà été question dans ce travail.
« Pour que les chiens soient bons pour le loup, écrivait Magne, il faut qu'étant jeunes, ils soient dressés par des individus de leur espèce. Lorsqu'ils ont poursuivi deux ou trois fois le loup, qu'ils y ont été encouragés par le berger, ils montrent ensuite beaucoup d'ardeur à remplir leur mission; arrivent-ils dans un bois, ils en
parcourent tous les détours; entendent-ils crier au loup, ils se rendent aussitôt du côté d'où vient la voix. »
Les chiennes sont en général meilleures que les mâles; ces derniers sont quelquefois indulgents pour les louves.
Les chiens doivent être armés de colliers en métal ou en cuir très épais et hérissés de pointes de fer, car le loup cherche à les prendre au cou pour les étrangler. Il leur faut un harnais de protection.
Qualités et défauts moraux de certains chiens de berger.Nous sommes édifiés sur les précieuses marques d'intelligence dont font preuve la plupart des chiens de berger. Chez quelques-uns cependant des défauts peuvent exister et notamment celui de mordre les brebis ou d'aboyer sans cesse.
Tout chien dont la dent pénètre volontiers sous la peau des moutons doit être éloigné du troupeau; il y fait plus de tort que de bien. Est surtout à craindre celui qui saisit les moutons à la gorge ou dans les régions musculaires du membre antérieur et notamment à l'avant-bras.
Si le chien se voit obligé de mordre pour se faire obéir, c'est au-dessus du jarret de la bête que ses crocs doivent se faire sentir.
Pour empêcher les chiens de mordre ou leur faire passer cette mauvaise habitude, on peut les museler ou employer une sorte de bridon composé d'un cylindre de fer introduit dans la gueule en guise de mors et maintenu par des courroies formant montants et têtière pour se réunir au collier. Ce mors empêche nécessairement le chien de serrer les mâchoires quand il veut mordre.
On voit de bons chiens attaquer les moutons aux oreilles, au nez, aux pattes, mais sans quasi leur faire de mal.
Un grand défaut est de mordre dans la laine et de l'arracher par touffes eu se laissant pendre à la toison. C'est une perte sèche pour le propriétaire.
Tout chien trop vif, qui mène les brebis trop rudement provoque des bousculades et des avertements consécutifs. Il devient quasi impossible de conduire à bonne fin, dans le temps normal, l'engraissement de moutons confiés à semblable gardien.
Aboyer a été considéré comme un défaut grave par le jury du Scheep-Dog-Trial de Cureghem. Pour chaque éclat de voix, le concurrent perdait de 5 à 10 points sur 1OO. Les avis sont cependant partagés quant aux inconvénients que peut présenter l'action d'aboyer dans le cas spécial qui nous occupe. Le Stock-
Keeper avance même que les Bob-tailed à voix très forte sont recherchés. C'est un point essentiel pour eux que d'avoir une grosse voix, car lorsqu'un troupeau important, de 1000 à 1500 moutons se trouve dispersé, sur un signe du berger, le chien n'a qu'à faire entendre sa voix trois ou quatre fois pour que tous les moutons se rassemblent et évitent à l'animal la peine d'aller les chercher.
Dans d'autres milieux, les chiens sont invités à se taire c'est, par exemple, lorsque le troupeau est en train de piller un champ, du consentement du berger. Ainsi, les bergers qui, de l'Allemagne, conduisaient autrefois à Paris des moutons gras, recherchaient les chiens muets. Ces bergers ne faisaient certes pas un trajet de 400 â 600 kilomètres sans laisser souvent brouter leurs troupeaux sur des champs dont l'entrée ne leur était pas permise, et ils ne voulaient pas que leur passage fut trahi par l'aboiement des chiens. Le chien doit quelquefois aboyer, dit Villeroy, et il doit le faire au commandement de son maître. Il est des chiens qui aboyent continuellement; les bêtes s'habituent à ces éclats de voix et n'y prêtent plus la moindre attention. Quant aux aboyeurs eux-mêmes, ils se fatiguent inutilement.
Les Scheep- Dogs-Trials.
Le nom est anglais, le genre de sport qu'il sert à désigner étant d'origine écossaise. Littéralement, il signifie épreuves de chiens de berger, autrement dit concours entre chiens de berger conduisant ou gardant des moutons. Après avoir pris part à ces épreuves, les chiens sont donc classés non plus d'après la somme de leurs beautés physiques, mais bien d'après leur degré d'aptitude au service; c'est plus pratique, c'est mieux.
Le Scheep-Dog-Trial des chiens de berger correspond absolument au Field-Trial imposé aux chiens d'arrêt. De part et d'autre, il s'agit d'apprécier la qualité et rien que la qualité. Et les plus laids sont partois les meilleurs.
C'est donc dans les montagnes de l'Ecosse, les Highlands que les Scheep-dogs-trials ont pris naissance; voici comment: Il y a bien des années, écrit M. Samson dans The Live Stock Journal, la comtesse de Bective mit en avant l'idée de fonder une société pour améliorer encore les aptitndes déjà si remarquables du collie. Celui-là seul qui connaît les sites sauvages des montagnes dans les comtés du nord de l'Ecosse est à même d'apprécier l'utilité de ces fidèles auxiliaires des propriétaires de troupeaux. Les moutons des races
aborigènes:
Black-Faced, Cheviot. Hordwicks et leurs croisements, vivent en liberté sur ces immenses territoires incultes et non clôturés; aussi sans le concours de l'intelligent collie, serait-il de toute impossibilité aux fermiers de rassembler leurs troupeaux disséminés dans la montagne. Le collie leur est d'une indispensable nécessité. Et
l'époque de la tonte étant arrivée, ce sont les chiens qui se chargent d'aller quérir dans les pâturages abruptes, les moutons qu'il s'agit de dépouiller de leur toison. Une ancienne habitude veut que les fermiers écossais s'entr'aident mutuellement pour mener prestement cette besogne à bonne fin : un certain jour déterminé longtemps d'avance est fixé pour opérer la tonte des moutons de chaque ferme. Et ce jour-là, tous les fermiers établis à plusieurs lieues à la ronde arrivent avec leurs hommes; tous se mettent à tondre, chacun rivalisant d'adresse et de célérité.
Ces réunions l'appelant celles de l'ancien temps entretiennent les bonnes relations entre voisins et gens du même état et elles sont l'occasion de quelques festivités qui sont, nous semble-t-il, le pendant des ferradesde la Camargue. Le chef de l'exploitation où sepratique la tonte se charge de nourrir et de rafraîchir ses aides d'unjour, et la journée de travail se termine généralement. « par une partie de danse entre les jeunes et par une partie de cartes entre les vieux ».
La légende ne dit pas si le collie, qui a fait preuve de tant d'intelligence et d'habileté durant toute la journée reçoit, lui aussi, sa part du gâteau. Sans doute, car l'idée de la comtesse de Bective rencontra de nombreux adhérents parmi les principaux propriétaires des comtés du Nord, et il y a déjà plusieurs années que la Northern Counties Association organise alternativement des Trials dans le Cumberland, le Lancashire, le Yorkshire, le Westmoreland, etc. Le promoteur des premières épreuves de chiens de berger est M. J.
Thomson, de Sclattys. Les récompenses aux lauréats de ces épreuves consistent en des prix importants rehaussés par des coupes d'argent.
C'est ainsi que les Collies ont appris à faire la démonstration publique de leurs brillantes facultés et qu'ils ont tant gagné dans l'estime des habitants de ces contrées; c'est ainsi que leur réputation s'est étendue dans le monde entier. Voici maintenant en quoi consiste les Scheeps-dog- trials écossais:
Chaque concurrent doit aller chercher dans la montagne ou plutôt sur le versant d'une colline à pente inclinée du côté des spectateurs, les trois brebis qu'on y a lâchées à son intention et hors de sa vue; il doit les pousser devant lui à environ 800 mètres de là, en 10 à 15 minutes, en les faisant passer pardessus des talus,
à travers des haies vives ou des barrières dans lesquelles ont été pratiquées d'étroites ouvertures, entre des claies placées parallèlement, etc. pour finir par les faire entrer dans un parc établi près des spectateurs... et sans doute des parieurs, car, dans le Royaume-Uni, qui dit Sport dit Bet (pari). La création du cheval de course lui-même, au XVIIe siècle n'estelle pas la conséquence directe du besoin de parier qui travaille resprit de tout bon Anglais?
La durée de chaque épreuve se trouve limitée, mais outre le temps, les juges doivent envisager surtout la façon dont le chien s'est comporté pendant toute la durée du travail qui lui a été imposé.
Voici, d'après le Stock-Keeper, comment le juge de ces concours répartit habituellement son total de 100 points:
« 40 - Se diriger directement vers le but et trouver les moutons; se tenir à distance du troupeau; obéir au coup de sifflet et faire de la bonne besogne sur la montagne ; décrire de bons cercles, etc; là où le chien n'est pas sous la surveillance de son maître.
« 10 - Faire passer les moutons par-dessus les talus, les murs et par les portes de clôture.
« 10 - Par les premiers obstacles et entre les poteaux.
« 10 - Entre les claies placées parallèlement.
« 10 - Entre les seconds poteaux et les drapeaux.
« 10 - Faire entrer les moutons dans le parc.
« 10 - Le temps employé pour effectuer le travait. »
———
100

On peut varier les épreuves, mais elles restent toujours intéressantes parce qu'elles donnent lieu à une foule d'incidents qui mettent le public en belle humeur. Elles sont inoffensives, car aucun animal n'en souffre; elles sont utiles au plus haut point pour obtenir d'excellents chiens de berger.
Nous venons de lire qu'un entraîneur se dispose à emmener à Chicago dix bergers et leurs chiens pour y organiser des Sheep-dogtrials qui auront lieu durant le premier mois de l'exposition universelle.
C'est au Collie-club bruxellois et au Club du chien de berger belge que revient l'honneur d'avoir importé ce genre de sport sur le continent.
Les premières épreuves de chiens de berger au travail ont eu lieu dans les vastes prairies de la Sociéte des marchés et abattoirs de Curèghem, les 1er et 2 mai 1892 ; elles ont parfaitement réussi et vivement intéressé les spectateurs; vingt-deux concurrents, presque tous de race belge, se sont présentés au poteau. Les épreuves se courant en plaine, une piste sinucuse et parsemée d'obstacles avait été tracée à travers la prairie. Voici an surplus quelles étaient les conditions du programme :
Chaque chien devra conduire 10 moutons qu'il prendra dès leur sortie de l'enclos et viendra les parquer près du public en leur faisant exactement suivre tout le parcours d'une piste en S, de 200 mètres de longueur, d'une largeur variant entre 6 et 8 mètres, comprise entre deux sillons tracés à la charrue dans le gazon. Le
berger devra marcher devant le petit troupeau ; il ne pourra intervenir autrement que pour donner des ordres à son chien.
Les moutons doivent passer entre des poteaux et des drapeaux, traverser un étroit pont de bois, gravir un talus, franchir un ruisselet, etc., avant d'être introduit par une petite porte dans l'enclos qui servira de terminus.
Le maximum du temps accordé à chaque chien pour accomplir tout le trajet avec sa petite bande de moutons est de dix minutes; s'il dépasse ce laps de temps, il est mis hors de concours (1).

(1) l'expérience nous a appris que ce temps est beaucoup trop long pour la plupart des bons chiens. Certains de nos concurrents ont en effet accompli le trajet en 3 minutes, voire mème en 21/2 minutes.

Le maximum des points à accorder par le jury est de 100.
Chaque fois que le chien laissera sortir un mouton de la piste, il perdra 1 point; pour deux moutons ou plus, il perdra chaque fois 2 points.
Tout chien qui mordrait un mouton au membre antérieur ou à l'oreille perdrait 5 points; celui qui le saisirait à la gorge se verrait enlever 10 points.
Tout chien qui aboyerait pendant la durée de son travail perdrait de 5 à 10 points, selon la persistance qu'il mettrait à donner de la voix.
Pour tout le reste (irrégularités dans la marche, cercles excentriques, etc.), le jury appréciera comme il l'entendra.
Les chiens , « trop mordants » seront immédiatement mis hors concours.
La plupart des concurrents ont fait preuve de beaucoup d'intelligence et d'une bien grande aptitude à la direction des troupeaux lors du Scheep-dog-trial de Cureghem. Et cependant, les bergers n'avaient pu procéder à la moindre répétition avant le concours, attendu que beaucoup ignoraient les dispositions de la
piste et jusqu'à la nature du travail qui allait leur être imposé. L'on devrait vulgariser le plus possible ce genre de sport n'offrant nul danger, intéressant et utile tout à la fois, et nous voudrions le voir inscrit au programme de toute solennité agricole de quelque importance.
En 1893, les Scheep-dog-triqls de Belgique auront lieu à Spa, selon toutes prévisions, à l'occasion de l'exposition canine de la Société Royale Saint-Hubert, le 7 ou le 8 août.


Donated by Kathy Champine

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